Un ensemble de photographies en noir et blanc et en couleur, récits et enregistrements audio.
Travail en cours
Ménilmontant, Paris 20e arrondissement.
Quartier autrefois populaire du nord-est parisien, il conserve encore les traces d’un passé ouvrier : anciennes échoppes, immeubles modestes, trottoirs étroits. Longtemps, il a résisté à l’uniformisation du centre-ville. Mais ces dernières années, les signes de transformation se multiplient. Cafés de spécialité, galeries indépendantes, boulangeries artisanales s’installent là où, hier encore, subsistaient des commerces de proximité à l’ancrage ancien. Peu à peu, les enseignes historiques cèdent la place à une offre en phase avec les attentes d’une nouvelle population.
Le 20e, longtemps refuge des classes populaires et de nombreuses familles immigrées, attire désormais une clientèle plus aisée, en quête d’authenticité — au risque de voir disparaître ce qui faisait justement la singularité du quartier.
C’est dans ce décor en pleine évolution que vit Martine, résidente d’un deux-pièces en rez-de-chaussée, qu’elle a acheté seule il y a plusieurs décennies. Peu à peu, elle y a effectué des travaux, à son rythme et selon ses moyens. Aujourd’hui retraitée, Martine passe une grande partie de ses journées à observer la rue depuis sa fenêtre, témoin attentive des transformations autour d’elle.
Martine de janvier à décembre est une série de portraits, récits et extraits audio documentaires pris au fil des mois, le tout depuis le même trottoir, le tout à la même fenêtre. C’est une enquête intime sur la gentrification d’un quartier à travers ceux qui y vivent encore. Loin des clichés sur les façades ravalées ou les adresses branchées, elle s’intéresse aux habitants qui restent, à leurs récits, à leur quotidien, souvent invisibilisé dans les discours sur la transformation urbaine.
Le 20e arrondissement de Paris est aujourd’hui confronté à une dynamique bien connue dans d’autres métropoles : celle de l’embourgeoisement progressif de certains quartiers populaires, porté par des politiques de rénovation urbaine et l’arrivée de nouveaux profils sociaux. Si le phénomène reste contrasté selon les secteurs, il soulève des enjeux majeurs autour de la mixité sociale, du logement et de l’identité locale. Dans les faits, les prix de l’immobilier s’envolent — au-delà de 10 000 € le mètre carré dans certaines rues — et les repères culturels et locaux s’effacent peu à peu. Le quartier de Ménilmontant n’échappe pas à cette logique.
Martine est une habitante ancrée dans son quartier : elle en connaît encore le rythme, les codes, les visages. À travers elle et au fil des saisons, c’est toute une histoire urbaine qui se raconte. Martine de janvier à décembre, c’est une année dans la vie d’un quartier parisien, vue de l’intérieur. Une manière de documenter, à hauteur d’habitante, les transformations silencieuses d’une ville en mutation.
juin 2025